L'avenir de notre monde : En a-t-il un ? (2e sphère, 2e élément : Eau)

J'avais présenté la première sphère, la solide, dans le chapitre précédent.

Je voudrais ici me pencher sur la seconde, la liquide, celle qui "recouvre les deux tiers de la planète", celle qui fait qu'il y a de la Vie sur ce caillou rond qui tourne dans un vide infini autour d'une bombe nucléaire en perpétuelle explosion et sans laquelle toute cette eau n'aurait rien pu abriter de vivant.

La voici, vue d'au-dessus de chez moi, pour changer :

C'est mouillé, hein ?

Mais ça veut dire quoi, "mouillé" ?

Reculons donc un peu : C'est quoi, "toute cette eau qui recouvre les deux tiers de la planète" ?

Ben, pas grand chose, en fait, si on y regarde un peu autrement :

Pour commencer, enlevons-là.

Ça donne ça, la carte du fond des océans, une image maintenant plutôt connue et assez rassurante par les couleurs qu'on utilise pour dépeindre la surface de notre seul et unique monde :

On devine alors qu'il n'y en a pas tant que ça mais comme on regarde plus ce fond des océans comme si c'était un territoire vierge bientôt disponible à notre expansion démographique exponentielle, on oublie de se demander ce que représente ce qu'on a ainsi virtuellement retiré. Voici donc toute l'eau de la Terre, par rapport à la Terre :

Les couleurs sont changées parce que c'est un peu à ça que ressemblerait notre Terre, en plus sombre sans doute, si toute son eau se baladait dans l'espace comme je le suggère ici :

Voyez-vous la taille de ces satellites virtuels par rapport ne serait-ce qu'à la taille de cette "immense" Australie ?

Dérisoire, n'est-ce pas ?

L'ensemble de l'eau potable ne recouvrirait pas le "petit" Japon !

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La conséquence est que toute pollution soluble importante est pratiquement immédiatement planétaire et impacte aussitôt l'ensemble de la vie sur Terre. Une preuve peut en être donnée par une mesure-estimation de l'épaisseur de la couche de pétrole qui recouvre l'ensemble des océans de la planète, épaisseur qui avait été estimée à environ 1 micron il y a une trentaine d'années si je me souviens bien (difficile de retrouver ma source, peut-être le Ramade : 1982, François Ramade, "éléments d'écologie appliquée", McGraw-Hill, 452pp.), certainement plus importante aujourd'hui et son impact sur les échanges respiratoires eau-air ne peut qu'en avoir augmenté. Je vous laisse donc estimer ce que nos rejets en rivières peuvent avoir comme conséquences, les chimiques comme les nucléaires.

La Terre tourne depuis au moins Galilée.

Si les plaques qui constituent l'écorce terrestre se déplacent à une vitesse en général de l'ordre de -ou inférieure à- 5 cm par an, l'eau est bien plus labile comme vous le savez.

Les océans sont un peu comme de l'eau remuée dans une casserole qui contiendrait aussi quelques oeufs collés au fond et dépassant la surface. L'eau bouge tout le temps, partout, de façon inégale et changeante, presque comme dans cette casserole.

Comme dans cette casserole, il existe des "courants principaux" formés par l'essentiel de cette eau. Ils parcourent toute la sphère humide en suivant les trajets les plus faciles du moment. En effet, si la croûte terrestre est bien constituée d'éléments de densités, de surface et de poids différents, il en est de même dans l'eau puisqu'elle se dilate avec la chaleur.

C'est un point essentiel : L'eau très chaude "flotte" sur l'eau très froide presque aussi typiquement que l'huile (de roche aussi, le pétrole) sur l'eau. Donc, non seulement il existe des courants et des contre-courants de surface cherchant à, pour ainsi dire, maintenir l'horizon sur l'horizon mais il existe aussi des courants et contre-courants de fond ainsi que des courants et contre-courants entre les deux.

Pour se fixer un peu les idées, si les eaux de surface ont une température variant en gros entre 1 et 32°C en fonction de la latitude et de la saison, le fond des océans est très homogène autour de 4-5°C tout simplement parce que les rayons du soleil n'y arrivent jamais et que l'eau froide est plus lourde que la chaude.

Pourquoi n'y a-t-il pas d'océan à plus de 32° ?

Après tout, on pourrait imaginer que le soleil pourrait les chauffer encore plus par endroits.

Il n'y en a pas parce que dès que les 31°C sont atteints sur une surface "grande" l'air ne le supporte pas, d'une certaine façon, et provoque des cyclones dont l'effet majeur est de pomper cette chaleur pour aller la disperser dans la haute atmosphère plus froide : L'eau chaude chauffe l'air qui est encore plus labile qu'elle (nous y reviendrons) et l'air ainsi chauffé se dilate, perd en densité, cherche à "flotter" au-dessus de l'air plus froid qui l'entoure et le recouvre, donc monte d'autant plus vite que l'écart est important entre sa température et celle de celui qui l'entoure, un peu comme une colonne de bulles dans un verre de limonade (ou de champagne, selon votre milieu social ...).

Quand c'est intense, un cyclone se forme "naturellement".

Donc, la température de l'eau des océans varie en surface, un peu, entre 1 et 31° avec des pointes très localisées à 0 et 32 voire même 33 ou 34 mais jamais sur de grandes surfaces, et elle reste autour de 4°C au fond. Les continents néanmoins limitent la tendance imposée par la rotation de la Terre à ce que les courants s'orientent tous d'Ouest en Est (puisque la croûte, dessous, tourne d'Est en Ouest). Le seul endroit où les continents permettent, par leur absence, à l'eau de s'écouler tout autour de la Terre est l’Antarctique, autour du pôle Sud.

L'organisation dominante des courants principaux est, en gros, celle-ci :

Elle peut beaucoup varier selon les moments, les saisons, puisque ce qui dynamise les courants de surface est à la fois la rotation de la Terre et la chaleur du Soleil mais les barrières des continents, évidemment, sont immuables.

L'intérêt de cette connaissance est, évidemment, de pouvoir anticiper la façon dont nos pollutions diffusent dans la sphère aquatique.

Au pôle Sud, c'est assez simple comme nous venons de le voir :

Au pôle Nord c'est beaucoup plus complexe puisque la situation des continents est quasiment inverse, il ne peut y avoir de "grand courant stable" :

Au niveau général, il existe ainsi une organisation circulaire "atomisée", bornée par les continents et la vitesse de la rotation de la Terre : Tout tourne en 24 heures, sur quelques kilomètres aux pôles pour environ 32 000 km à l'équateur. La vitesse qui va donc en décroissant de l'équateur vers les pôles impose des courants à peu près symétriques de chaque côté de l'équateur, en fonction des continents, des latitudes et, pour l'eau en surface, des saisons :

Les courants équatoriaux sont, bien sûr, les plus rapides et les plus chauds mais ils peuvent temporairement disparaître certaines années (épisodes El Niño). Tout se déplace très légèrement en fonction des saisons.

On constate ainsi que les courants de surface ont tendance à s'organiser en 6 cellules tourbillonnantes plus ou moins reliées entre elles (celle du Pacifique Sud l'étant le moins). Ces 6 cellules sont maintenant connues, elles ont été nommées des "gyres".

Leurs centres sont, évidemment, plus calmes, quasiment immobiles. Ils ont donc tendance à concentrer tout ce qui flotte et dérive au hasard autour et ailleurs. La gyre du Pacifique Nord, léchant le Japon et les USA, est la plus polluée mais les autres le sont forcément aussi, à un degré moindre mais consistant :

Soit, en simplifiant un peu :

Le tsunami du 11 mars 2011 n'a rien arrangé, la catastrophe sans fin de Fukushima non plus ( sans fin parce que l'eau salée qui sert - aujourd'hui encore - à refroidir les réacteurs détruits est toujours prise puis remise dans l'océan après être devenue radioactive).

A ceci, il faut ajouter un autre facteur de dispersion, biologique, vivant celui-là : La flore et la faune marine qui, globalement suivent ces courants dominants mais qui ont aussi leurs propres routes indépendantes, en particulier les espèces migratrices Nord-Sud (baleines, etc.).

Vous avez ainsi une petite idée de la façon dont les pollutions se répartissent progressivement dans et au fond de toute la sphère humide, les pires comme les moins pires, du Pacifique vers l'océan Indien et l'Atlantique, et inversement. Vous voyez ainsi comment et Fukushima et les grandes pollutions chimiques se retrouvent dans vos verres et vos assiettes pour tout ce qui concerne notre pillage de la mer : Le thon pêché au large de l'Amérique est maintenant plus radioactif que jamais comme l'ont montré des chercheurs américains il y a quelques semaines. Vous voyez que rien ne peut arriver qu'aux autres, que la pollution marine est forcément démocratiquement distribuée même si ça prend plus de temps que pour la pollution aérienne.

Le 1er novembre 2011, les premières eaux radioactives étaient repérées à 3 500 km du Japon, plein Est, dans le courant dominant :

C'était 8 mois après la catastrophe, il y a presque 15 mois à présent, le double. Il y a 8 200 km entre le Japon et les USA. Ensuite la gyre du Pacifique Nord en retiendra une grande partie, Hawaii va devenir un peu plus radioactive, et le reste reprendra la direction inverse soit via l'Alaska, soit le long de l'équateur vers l'Australie puis l'Atlantique. Rappel : Actuellement et depuis mars 2011, l'eau radioactive servant à refroidir les 4 réacteurs ravagés est remise dans l'océan tous les jours. Cette pollution-là est toujours continue, importante et grave.

Sur ce, à table.