L'avenir de notre monde : En a-t-il un ? (4e sphère, 4e élément : Vie)

SOMMAIRE

  Introduction
A - Aquarium cosmique
B- Définitions
C- Dépendances et complexité
D- Puissance et fragilité de l'hétérogénéité
E- Eutrophisation
F- Cybernétique du vivant
G- La puissance humaine
Références
TABLE DES MATIÈRES GÉNÉRALE

Nous avons parcouru de bas en haut et jusqu'au vide intersidéral les quelques 7100 km de matriochkas minérales, solides puis gazeuses, qui constituent la planète Terre, des couches de densité décroissante et de mobilité croissante.

C'est tout petit au regard de la "protection" plus ou moins inconsciente qu'on lui suppose nous offrir contre le grand vide intersidéral.

C'est ce qui sépare Fukushima (Japon)

C'est la distance entre

et pourtant c'est réellement l'épaisseur totale de la planète, depuis son centre jusqu'à la fin de son atmosphère.

Là-dedans, la biosphère, disons 99% de ce qui la constitue, atteint rarement 50 m d'épaisseur (en excluant les rares organismes dérivant en altitude et les tout aussi rares vivant au plus profond du sous-sol).

50 m, c'est 7 millionièmes de ces 7100 km. Ce n'est même pas l'épaisseur de la buée sur une vitre. C'est parfaitement invisible même si nous n'en sortons jamais au point d'en croire que ça contient l'univers entier, que c'est infini.

Et encore, quand je dis 50 m, je parle de ces endroits - loin d'être majoritaires - où la Nature occupe l'espace depuis l'humus jusqu'à la cime de forêts où les arbres atteignent cette hauteur. Sur le "parking de Carrouf" ou sur la place principale du centre-ville, ces 50 m se réduisent à zéro mm, quelques centimètres par endroits au mieux (l'herbe au pied des lampadaires, ou le long des caniveaux, s'il y en a). En moyenne, la biosphère, la couche de Vie sur Terre, n'atteint pas la hauteur de nos genoux.

La Vie est ainsi entièrement définie dans cette fine pellicule qui tente de recouvrir toute la surface solide ou liquide de la Terre, puis d'y épaissir, et ce depuis qu'elle a pris naissance dans les océans du Précambrien il y a 3 à 4 milliards d'années.

La superficie totale terrestre est de 510 065 700 km².

Vous remarquerez que la superficie totale des terres émergées est inférieure à celle de l'océan Pacifique seul, qu'elle représente moins du tiers de l'ensemble disponible terrestre. C'est l'absolue totalité de l'espace accessible à la Vie terrestre si elle arrive à s'y maintenir partout, ce qui n'est pas le cas (déserts chauds et froids). Il n'y a pas d'autre possibilité (mis à part quelques cas extrêmement marginaux et passionnants, absolument non-représentatifs de la moyenne des êtres vivants).

Pour ce qui concerne la vie marine (le noir se fait à 99 % dès 150 m de profondeur), son immense majorité reste cantonnée près de la surface et autour des rivages surtout, en particulier dans la zone intertidale (marées), elle ne va quasiment pas en-dessous des limites des plateaux continentaux (qui sont aussi à 150 m de profondeur, en moyenne). Depuis que la planète existe et jusqu'à aujourd'hui, la vie marine est une couche d'une centaine de mètres d'épaisseur, peu dense, surtout concentrée autour des terres émergées. Je n'ai, curieusement, pas trouvé d'évaluation de la surface totale des plateaux continentaux. Pourtant l'essentiel de la vie marine est là. Le reste, dessous, n'est pas vraiment significatif en quantité même s'il est extrêmement intéressant en qualité.

En volume, le rayon de la terre est d'environ 6 366 km. Elle a donc un volume d'environ 1 080 658 687 000 km³, plus de mille milliards de kilomètres cubes. La surface totale des terres émergées est en gros de 149 400 000 km². En considérant que l'épaisseur moyenne de la biosphère terrestre est dans les 50 cm, le volume terrestre de la biosphère est de 74 700 km³, un cube de 42 km de côté,une sphère de 52,25 km de diamètre(sans rien écraser du tout dedans), soit environ les 7 centièmes de millionième de celui de la terre. Pour la biosphère marine c'est plus difficile mais c'est forcément moins puisque la totalité des plateaux continentaux est forcément bien plus petite que celle des terres émergées.

Le volume total de la biosphère est donc voisin de 100 000 km³, soit autour du dixième de millionième de celui de la Terre, une sphère de 57.6 km de diamètre. Si la Terre avait la taille d'une orange, la mesure de la pellicule de biosphère se ferait à l'échelle des atomes.

Ainsi, nous, vertébrés terrestres, évoluons dans une sorte de vivarium d'une finesse inouïe et d'une étendue plus que réduite bien que nous l'ayons toujours considéré, et que nous le considérions encore trop souvent, comme infini.

"Bien plus fin que de la buée sur une vitre".

Je ne vais pas vous ré-dépeindre didactiquement l'organisation pyramidale des biomes et écosystèmes, c'est facilement accessible partout et relativement bien connu. Je vais juste reprendre rapidement quelques définitions, à titre de glossaire, pour que nous puissions ensemble continuer cette réflexion avec les moins biologistes d'entre nous :

La lecture de ces définitions permet de deviner que, comme les couches qui s'empilent depuis le centre de la Terre jusqu'au vide intersidéral, les écosystèmes s'emboitent les uns dans les autres des plus petits aux plus grands. Les plus grands sont appelés les biomes et leur ensemble constitue la biosphère qui est donc la plus grande de ces matriochkas.

L'utilité des biomes est de permettre de considérer des ensembles vivants plus différents entre eux qu'en interne. Ils permettent de voir des frontières biologiques et de comparer des biodiversités de régions "immenses", ainsi que de mesurer les impacts des activités humaines.

Les individus d'une espèce sont le résultat de l'adaptation du génome (rappel : patrimoine génétique de l'espèce) du certain nombre de cellules les constituant aux limites imposées à leur physiologie par l'environnement physique et chimique de leur biotope (climat, nature du sol, topographie, etc.) ainsi qu'à celles imposées par leurs relations avec les autres espèces de leur biotope (mimétismes, distances et stratégies de fuite ou d'attaque, etc.)

Ceci posé, il est évident que les écosystèmes sont des ensembles d'une complexité d'autant plus grande que leur biodiversité est importante puisque toutes les espèces d'un même écosystème, outre les facteurs physiques propres à leur biotope qui les limitent (climat, topographie, etc.), sont plus ou moins interdépendantes : Symbiose, commensalisme, neutralisme, amensalisme, pathogénie, parasitisme, prédation, etc. sont des noms qu'on a collés sur ce fin dégradé de relations allant de l'indifférence à la dépendance complète.

Or, plus un objet/phénomène est complexe, vivant ou pas, plus il est intrinsèquement stable mais aussi structurellement fragile (p.ex. : Les logiciels les plus complexes sont toujours ceux présentant le plus d'erreurs ; p.ex. : Une voiture est plus facilement en panne qu'une brouette). La complexité des grands écosystèmes est telle qu'elle n'est pas encore connue même si les grandes lignes le sont un peu.

On pourrait comparer un écosystème à une sorte de grosse mécanique où chaque rouage serait représenté par une espèce mais comme les plus rudimentaires des biomes comptent facilement plusieurs centaines d'espèces connues (on ne les connaît pas encore toutes) et que ça se compte en milliers pour les biomes les plus élaborés, ça donne une idée vague de l'étendue de cette complexité (et de notre ignorance), d'autant qu'au sein d'un même écosystème on a des mécanismes, disons des sous-écosystèmes n'ayant que très peu de rapports entre eux, voire entrant en contact seulement par accident, bien que chacun constitués d'interrelations complexes entre leurs propres espèces.

Cette complexité est tellement immense qu'il est facile de s'y noyer rapidement, d'autant plus que la connaissance que nous en avons est vraiment rudimentaire bien qu'elle évolue très vite : L'écologie est la plus jeune des sciences, elle balbutie encore et cherche à s'étoffer alors que la biosphère a plus de trois milliards et demi d'années d'expérience.

Si la puissance du vivant arrive à absorber et recouvrir les éléments physiques qu'elle peut rencontrer jusqu'à les intégrer sous l'humus, constructions humaines incluses (cf. temples Mayas dans l'Amazonie, etc.), cette absorption est bien plus rapide lorsqu'il s'agit d'un élément biologique, aussi dur soit-il. Vous remarquerez ici que le minéral est bien moins complexe que le vivant, en diversité d'éléments constitutifs comme en organisation interne. (A l'inverse, on pourrait considérer que la fossilisation est une absorption du vivant par le mort) :

En temps normal, une toiture, un pylône, une maison, un objet peu complexe se délite et se décompose moins vite qu'un être vivant. Même pour ces derniers, le temps ne fait disparaître leur partie minérale qu'à la fin.

C'est plutôt l'inverse pendant les catastrophes : Le vent des grandes tempêtes arrache plus facilement feuilles et branches que des arbres entiers alors qu'il emporte des toitures entières. Un tsunami emporte tout mais dans l'ensemble les maisons et objets partent plus facilement que les végétaux, arbres inclus. Une avalanche de neige emporte plus facilement un pylône qu'un arbre ou une plante souple.

En bref, ce qui est complexe - vivant ou pas - se maintient mieux que ce qui ne l'est pas mais cette complexité le rend plus fragile aux chocs sérieux.

Ce terme barbare issu du grec ancien signifie littéralement "bien nourri". Au départ, ce n'était pas identifié comme une menace.

Fondamentalement, le défi de toute espèce, l'objectif implicite recherché par son génome, est d'arriver à occuper de façon durable le plus grand volume possible de ce qui l'entoure tout en satisfaisant le mieux possible ses besoins élémentaires, en étant le mieux possible "bien nourrie".

A ce titre, "tout fait ventre" : A partir du moment où quoi que ce soit peut être exploité comme ressource pour être "bien nourri", pour chaque individu et quelle que soit son espèce, c'est "bon à prendre" même si ce "quoi que ce soit" est vivant, même dans sa propre espèce. C'est un réflexe aussi vieux que les premières formes de vie. C'est celui qui sous-tend toute l'évolution du vivant depuis son origine. Il doit d'être toujours aussi fondamental aujourd'hui à toute forme vivante au succès qu'il apporte au maintient dans la biosphère de leur génome.

D'un autre côté, la Vie a autant horreur du vide que de l'uniformité : D'une certaine façon, pour la vie, le vide ou l'uniformité c'est pareil : Tout espace homogène, uniforme, qu'il soit mort ou vivant, est un "splendide marché à conquérir". La première espèce trouvant une façon de l'exploiter pour son compte peut en exploser ses effectifs rapidement, donc offrir une plus grande stabilité à son génome, donc renforcer sa pérennité.

Pourquoi est-ce comme ça ?

Pour ce qu'on en sait aujourd'hui, la Vie est issue des littoraux précambriens où l'eau chargée des poussières huileuses d'acides aminés (issus de l'atmosphère de l'époque : ammoniaque, méthane, hydrogène et eau, cf. l'expérience de Miller et condensées en pluies par les orages) a été brassée le long des rivages avec les poussières minérales "classiques" pendant des centaines de millénaires en une sorte d'écume spongieuse bizarre et relativement homogène dont il ne reste rien à présent mais qui était une soupe de coacervats, un superbe "marché à prendre" dont est sortie la vie.

La vie a commencé par "manger cette mousse", lentement, en se spécialisant petit à petit, toujours en suivant le précepte du "marché à prendre" dès qu'un composant ou une forme de vie quelconque devenait suffisamment abondante et homogène pour devenir "prenable". La spécialisation sur les "marchés" disponibles a créé de la diversité, a augmenté la complexité des interrelations entre les "marchés" et leurs "exploitants", la complexité générale du vivant en a augmenté aussi.

En passant, ces 3 à 4 milliards d'années sont à remettre en perspective avec la dérive des continents : Les continents, comme la peau sur du lait commençant à bouillir, se sont toujours plusieurs fois déplacés, fracturés, dispersés puis rassemblés (le dernier rassemblement date de 250 millions d'années seulement mais il y en a eu d'autres avant), ont coulé, réapparu. La longueur totale des rivages a donc été variable, ce qui a même provoqué des crises biologiques majeures dont certaines nous servent à séparer des époques géologiques. Les climats et les principaux courants marins en ont toujours été très changeants aussi, forcément.

Ainsi, la diversité était, et est toujours, une chose imposée aux génomes par la versatilité des milieux aussi (à l'échelle géologique) : La meilleure garantie de l'adaptation de la Vie aux changements, quels qu'ils soient, est sa complexité. Le principe de base qui permet cette complexité est cette recherche par chaque génome de son meilleur "bien nourri" possible, de l'eutrophisation.

Ce processus crée une complexité d'un niveau supérieur, celui des niches écologiques et des séries :

Comme nous l'avons vu, la niche écologique est la fonction de l'espèce dans son écosystème, "son métier". Elle définit la base des interrelations entre les espèces ainsi qu'avec leur environnement. Chaque niche écologique est, en quelque sorte, un rouage du mécanisme général de tout écosystème. Comme il ne s'agit que d'une fonction, d'un rôle, plusieurs espèces peuvent avoir la même niche ou bien "morceler le marché" en niches très voisines. C'est la concurrence.

Tout comme chaque "atome de vie" qui le constitue, chaque écosystème évolue pour tenter de rester adapté à l'environnement qu'il habite. L'évolution des écosystèmes est assez connue pour que les traits communs de leurs évolutions, les grandes lignes, puissent être définies au sein de chaque biome. En effet, les biomes se répartissent chacun à l'intérieur d'un climat parce qu'il préside aux facteurs physiques du milieu, dirige leur champ des possibles, leur impose leurs spécificités. (Il peut y avoir plusieurs biomes sous un même climat mais l'inverse n'est jamais constaté).

D'une façon générale, selon le climat et la composition du sol (calcaire, siliceux, etc.) ou de l'eau (sels minéraux issus des roches), les espèces sont différentes. Cependant, un lieu au degré zéro de vie tend toujours à se diriger vers une situation saturée de la même façon :

L'évolution de ces biocénoses est relativement standard au sein d'un même biome, on lui donne le nom de série écologique ou encore de succession végétale (je préfère le premier terme car les animaux font comme les végétaux, toute la biocénose évolue en même temps, végétaux ET animaux) :

La vie n'existe que par son évolution, sa complexification.
Voyons comment est ainsi programmée l'apparition, la vie et la disparition d'une espèce au sein d'une série écologique :

Moins l'explosion démographique de l'espèce est violente (tracé vert), moins la saturation de son biotope est rapide, moins son extinction est brutale, et inversement (tracé bleu) : Dans ce dernier cas, l'espèce n'a pas le temps même de tenter de commencer à s'y adapter.

Pourquoi cette courbe est-elle comme ça ? Parce que ce monde n'est pas infini, comme nous l'avons vu au début, il est extrêmement limité :

Toute espèce cherche à se placer au meilleur endroit possible pour profiter au mieux / être le moins gênée possible par la topographie, le climat, ses ressources, déchets, parasites et prédateurs.

Or, plus elle prospère, plus elle réduit pour chaque individu la quantité d'espace et de ressources et augmente celle des déchets, des parasites et des prédateurs (en en suscitant éventuellement de nouveaux : Leur nombre crée un "marché"). Plus elle prospère, plus elle devient une aberration pour son écosystème par sa densité qui est dangereuse pour la survie de l'ensemble et que les autres espèces "cherchent" naturellement à réduire : La compétition pour les ressources limitent les chances de survie des individus, leur nombre grandissant fait que la biomasse de l'espèce devient "un marché à prendre", il induit aussi la saturation du milieu par les déchets de l'espèce. Tout ceci fait qu'il existe un seuil propre à chaque milieu où toute pullulation d'espèce entraine sa disparition, étouffée par sa compétition interne pour les ressources, par ses déchets et par la pullulation de ses prédateurs et parasites.

A titre indicatif, la courbe de l'espèce humaine est celle-ci :

Les 3,5 milliards d'années d'évolution de la Vie n'ont pas encore permis de mettre en place de mécanisme naturel permettant de réguler cette "explosion avant extinction" autrement qu'en limitant les naissances mais c'est ainsi aller à l'encontre de l'axiome fondamental de la survie du génome : La recherche de l'eutrophisation.

Lorsque les conditions sont très dures dans sa biocénose pour l'espèce, elle ne peut résister si elle n'est pas prolifique, son extinction est rapide. Donc, plus une espèce est proie et vit dans de grands espaces, plus sa natalité est galopante : La survie de son génome en dépend. Inversement, plus elle est prédatrice et/ou isolée sur un espace réduit, moins elle se reproduit vite, toujours pour la survie de son génome, mais le risque est alors grand car dès que les conditions du milieu changent gravement elles sont les premières à s'éteindre.

Sur ce plan, l'humain est une espèce comme les autres, parmi les autres. Son comportement global est identique à celui de n'importe laquelle, bactérie ou éléphant. La grande différence est sa grande conscience du temps, chose qui lui a donné une suprématie sans précédent dans l'histoire de la Vie sur Terre (même si d'autres espèces disposent aussi de cette faculté, à un niveau moindre).

La conscience du temps se manifeste surtout par la capacité d'anticipation. C'est une très vieille faculté développée depuis très longtemps par nécessité chez la plupart des espèces animales et végétales. La conscience du temps est vitale, pour la proie qui cherche à échapper à un prédateur, pour le prédateur qui cherche à l'attraper, pour le végétal qui doit résister aux attaques physiques ou biologiques (saisons), tous les êtres vivants "jouent avec le temps". La conscience, au sens où nous l'entendons usuellement, n'est pas nécessaire mais elle donne plus de chances de survie et si, dans son infini nombrilisme prétentieux et solipsiste, l'humain a longtemps considéré qu'il était le seul à en disposer, on sait aujourd'hui que ce n'est pas le cas depuis des millions d'années avant son apparition.

La toute petite différence avec la plupart des autres êtres vivants est dans notre faculté à nous servir de cette conscience pour conceptualiser. Différence minime mais qui est tout sauf mineure : Non seulement nous savons compter (comme d'autres espèces) mais, en plus, nous savons élaborer des concepts complexes sur nos calculs et nos concepts et calculs, éléments d'un monde virtuel, sont facilement applicables dans la réalité palpable. Notre capacité à raisonner loin du réel est notre immense force et notre immense faiblesse.

Aucune autre espèce n'a montré de mise en application de cette faculté, bien qu'il en existe de nombreuses approchant ce stade (espèces consciemment architectes, espèces élaborant consciemment des techniques rudimentaires, etc.). Nous sommes les premiers et cette primauté est en train de changer toute la biosphère depuis que nous sommes passés "à la vitesse supérieure" : L'industrialisation "systématique" et massive.

La faiblesse qui en découle est que, comme nos capacités à l'eutrophisation en sont rendues infiniment plus grandes que celles de n'importe quelle autre espèce actuelle de notre taille et que nous respectons toujours à la lettre le principe fondamental du "bien nourri", du "tout, tout de suite à tout prix" : Notre explosion démographique mondiale est une des plus brutales jamais enregistrées sur Terre pour toute espèce.

Nous avons éliminé quasiment tous les prédateurs naturels de notre espèce (ceux qu'on a développés en interne mis à part), nous arrivons à réduire significativement presque tous nos parasites et maladies. Notre fécondité ancestrale n'a pas eu le temps de s'adapter à ce changement radical.

Notre industrie nous permet d'exploiter des ressources normalement inaccessibles, que ce soit au plus profond des océans ou de son sous-sol, du plus haut des airs, au plus atomique, biochimique ou physique : Nous avons commencé à exploiter des énergies fantastiques avant d'avoir fini de comprendre leurs rôles, leurs limites, leurs dangers. Nous jouons même avec l'énergie stellaire, le nucléaire.

En application de ce principe primordial à la Vie, nous drainons à nous toutes les énergies possibles sans aucun égard pour les écosystèmes qui nous soutiennent et dont nous croyons être "libérés" en nous cachant derrière des structures en béton et ferrailles. La biosphère souffre ainsi d'une crise sans précédent tant au niveau de son intensité, de sa rapidité que de son étendue (selon diverses études scientifiques, plus de trois espèces entières disparaissent définitivement chaque heure pendant que le rythme de nos naissances ajoute plus de 4 individus humains de plus sur Terre à chaque seconde, mortalité déduite, alors que ce n'était que 2 de plus par seconde il y a seulement 50 ans). L'impact est exponentiel lui aussi : Destructions massives des habitats, simplification drastique des écosystèmes sur des millions de km², brassage anarchique des biocénoses par adjonctions plus ou moins voulues d'espèces d'autres biomes se révèlant ensuite envahissantes de biocénoses ou aucun parasite ni prédateur n'est en mesure de contrôler ce "nouveau marché" aussi imprévisible que soudain mais qui se place en concurrence directe avec les espèces vernaculaires, attaquant la structure même de la biocénose parce qu'il occupe une niche écologique sans équivalent local, à cheval sur plusieurs niches locales, etc.

Or, un écosystème est une mécanique complexe où chaque rouage doit tenir son rôle pour que l'ensemble puisse continuer à se maintenir, faute de quoi il se simplifie, se désagrège puis s'effondre entièrement. Aujourd'hui, on a même commencé l'étude des effondrements d'écosystèmes :

De plus, à l'instar de toute espèce de série écologique, nous dispersons nos déchets dans tout notre écosystème et, comme nous sommes partout, notre écosystème est la biosphère toute entière : Depuis le début du XXe siècle nous arrosons toute la Terre de nos résidus chimiques, pétroliers, plastiques, biochimiques, nos molécules artificielles sont partout et, en plus, depuis le milieu de ce dernier siècle, la 2e guerre mondiale, nous y ajoutons des matériaux radioactifs, le tout à des quantités, des concentrations et des fréquences d'émission de plus en plus rapprochées, accélérées. Nous en changeons même la forme et la composition de l'atmosphère (trous d'ozone).

Depuis moins de 150 ans, l'impact polluant de l'espèce humaine a explosé les limites de la biosphère et l'ampleur de ses dégâts montre qu'elle ne pourra pas survivre dans ses déchets où que ce soit sur cette planète.

La "cerise sur ce gâteau", le crime absolu contre la Vie, ajouté à l'explosion faramineuse en quantité de nos déchets, est d'avoir osé nous attaquer - en profondeur et dans la biosphère toute entière - directement aux génomes mêmes du plus grand nombre d'espèces possible par nos pesticides, nos hormones sexuelles, notre nucléaire, nos "biotechnologies d'organismes génétiquement modifiés". (cf. ci-dessous Références)

Depuis que la Vie existe sur cette planète, plus de 3,5 milliards d'années, c'est la première fois que toute la biosphère subit une agression aussi violente, aussi brusque et aussi générale. L'apparition de l'espèce humaine correspond au plus rapide changement d'ère géologique jamais connu, à la régression la plus drastique jamais endurée.

La première tentative de la Vie de se doter de la conscience du temps au point d'en inventer la conceptualisation a tout d'un retentissant et extrêmement coûteux échec :

De ce que nous arrivons à anticiper aujourd'hui sur la base de notre considérable mais rudimentaire connaissance, les biomes vont tous changer d'état. Il est évident qu'en ayant saturé la biosphère entière avec bien plus que nos déchets naturels, nous ne verrons pas ce changement. Le dernier humain en sera mort bien avant. Notre pouvoir d'anticipation balbutiant ne peut pas encore nous permettre de dire si la biosphère pourra s'en remettre réellement ou si elle va disparaître elle aussi. Il est néanmoins certain à présent que celle que nous connaissons aujourd'hui ne pourra pas nous survivre. Au mieux, La Vie va devoir se réorganiser à un niveau très proche de celui qu'elle avait au Précambrien. Un extraordinaire retour en arrière mais sur lequel personne aujourd'hui ne peut anticiper ce que les génomes des éventuelles rares espèces survivantes les plus élaborées pourront permettre de garder comme acquis bénéfiques.

Tous les indicateurs que nous avons appris à décrypter sont dans le rouge, tous indiquent que la véritable grande crise est pratiquement sur nous, qu'elle est commencée en réalité et que son impact mondial majeur est à présent une affaire de quelques petites décennies. Je ne sais pas si je la verrai, je préfèrerais éviter, mais je sais que les enfants d'aujourd'hui la verront avant d'arriver à leur vieillesse, qu'ils en mourront en masse, jusqu'au dernier ou presque.


La réalité de notre Univers est qu'il n'y a jamais eu et qu'il n'y aura jamais ni oral de rattrapage, ni partie gratuite pour quoi que ce soit.